Je n'ai pas envie de polémiquer, à vrai dire, je n'ai même pas envie de communiquer sur ce qui se passe au Japon en ce moment même. J'ai plutôt envie de me recueillir. Même si j'ai passé ces dernières années en Chine, le Japon a toujours été le pays le plus cher à mon coeur. Voir les catastrophes s'accumuler sur un même pays en si peu de jours... Je me sens bien inutile; j'ai envie de sauter dans un avion, pour être là-bas, avec les Japonais, pour leur montrer que j'aime toujours leur pays, que je n'ai pas peur, que je les soutiens, que je veux partager leur quotidien quelqu'il soit. Je n'ai pas le droit de juger, je sais, mais je ne peux m'empêcher d'être honteuse de voir les expatriés français quitter le pays comme s'il était maudit. Ce pays les a accueilli, ils y ont fait des affaires, y ont prospéré, en ont profité, et voilà, dès que le bateau tangue, ils le laissent sombrer. C'est triste....
Mais voilà, la réalité est là. Et le sujet du nucléaire présent comme jamais. Je ne peux pas l'ignorer. Ca m'a bien fait rire (enfin, pas vraiment), quand j'ai appris que les Chinois se précipitaient sur les étalages de sel dans les supermarchés qui protégerait des radiations nucléaires. Je comprends que les Chinois ne fassent pas confiance aux infos délivrées par la presse de leur pays, mais si risques de radiations nucléaires il y a, ils feraient mieux de craindre leurs propres centrales.
Figurez-vous que j'ai appris par hasard que se trouvait une centrale nucléaire près de Shenzhen et qu'elle avait connu un incident l'an dernier. Aucun Chinois autour de moi ne semble être au courant; c'est en faisant des recherches sur internet que je suis tombée sur un extrait de journal.
Selon le Quotidien du peuple :
"À la fin du mois de mai (2010), des techniciens de Daya Bay ont détecté un taux de radioactivité anormalement élevé dans les systèmes de la centrale pouvant s'expliquer par une fuite très faible sur une barre de combustible qui avait été totalement contenue. Des médias ont cependant décrit l'évènement comme une fuite radioactive et ont provoqué la préoccupation du public. L'opérateur de la centrale nucléaire de Daya Bay a publié tout de suite un communiqué afin de clarifier la situation, stipulant que « les deux réacteurs de Daya Bay fonctionnent en toute sûreté et normalement. Il n'y a pas eu de fuite radioactive ».
On n'en saura pas plus...
Enfin bon, les nuages radioactifs s'arrêtent bien à la frontière française; alors, je suppose que des fuites radioactives en Chine peuvent se transformer en fuites imaginaires. D'autant plus que les deux réacteurs ont été construits par des sociétés françaises...
Entre psychose et fausses rumeurs, le sujet du risque nucléaire semble bien préoccuper les Chinois. Mardi, alors que j'allais débuter mon cours au collège où je me rends deux fois par semaine, une prof chinoise (que je ne connaissais pas) est entrée dans ma classe et m'a fait comprendre qu'elle souhaitait parler aux élèves pendant quelques minutes. Le discours a été assez long et je voyais le visage des enfants prendre différentes expressions. J'étais loin de deviner la teneur de la discussion. Devant la mine consternée de certains, je me disais qu'il s'agissait de l'annonce d'un examen. Et puis, j'ai vu certains enfants qui tripotaient leurs vêtements, commençaient à rentrer le cou. dans leur col. Après le départ de la prof, les élèves ont commencé à discuter avec vivacité. Ils ont fini par essayer de m'expliquer de quoi elle avait parlé. A force de mimes et d'onomatopées (boum, bang...) et de Japon, Japon, j'ai aussitôt imaginé qu'au cours de l'après-midi, la centrale avait explosé et que c'est la raison pour laquelle la prof avait donné des conseils de précaution aux enfants. J'ai essayé d'en savoir plus mais, faute de vocabulaire de part et d'autre, je n'ai pas vraiment pu éclaircir l'affaire. Il me semble, toutefois, qu'il était prématuré de paniquer les élèves.
Je ne sais pas trop ce qui est le plus triste dans tout cela : les mensonges et les non-dits des gouvernements et des entreprises; la mise en danger des personnes travaillant ou habitant près de ces centrales, les pseudos excuses de la protection de l'environnement, la prédominance de l'économie qui fasse qu'on soit prêt à sacrifier des vies humaines sous le prétexte de l'indépendance énergétique ?
Je ne veux pas jouer les moralisatrices donneuses de leçons, puisque je profite comme les autres de l'énergie procurée par ces centrales et que je ne m'en plaignais pas vraiment. Mais, je trouve regrettable que nos sociétés et nos gouvernements ne se remettent pas plus en cause. Si au moins, ils pouvaient promettre d'y réfléchir, d'essayer de trouver des solutions, de proposer que nous réduisions notre consommation en énergie, ....mais rien. La France campe sur ses positions, la Chine aussi. Et combien d'autres pays ? Petits bonhommes que nous sommes... nous nous croyons à l'abri de tragédies comme celles qui ont lieu au Japon actuellement.