En rédigeant un prochain article, je me suis surprise à réfléchir sur le terme "expatrié". Je me suis soudain demandée pourquoi les Chinois, par exemple, ne me qualifient pas d'immigrée alors que ma situation est la même que celle des Syriens qui veulent travailler en Europe ou pourquoi la France ne parle pas d'émigrés lorsqu'elle évoque « les Français de l'étranger ».
Un expatrié désigne selon Wikipédia un individu résidant dans un autre pays que le sien.
Un immigré / un émigré selon le Larousse est celui qui a quitté son pays d'origine pour s'installer dans un autre pays.
Curieux, on dirait bien que c'est la même chose, non ? Alors, pourquoi ce terme d'expatrié(e) ?
Evidemment, je ne suis pas la seule à m'intéresser à cette question. Je suis tombée sur quelques articles intéressants sur internet. Selon Mawuna Remarque Koutonin, un entrepreneur togolais, dans Courrier International du 29 mai 2015, "si l’on se réfère à cette définition (i.e celle d'expatrié), on peut s’attendre à ce que tout individu partant travailler dans un autre pays que le sien pendant une certaine période soit un expatrié, quels que soient sa couleur de peau et son pays d’origine. En réalité, ce n’est pas le cas. “Expat” est un terme exclusivement réservé aux Blancs occidentaux qui partent travailler à l’étranger. Les Africains sont des immigrés.
Les Arabes sont des immigrés. Les Asiatiques sont des immigrés. Les Européens, eux, sont des expats, parce qu’il ne saurait être question de les placer au même niveau que les autres. Ils sont supérieurs. “Immigré” est un terme destiné aux “races inférieures”.
Il explique aussi "Les cadres africains de haut vol qui partent en Europe ne sont pas considérés comme des expatriés. Ce sont des immigrés, un point c’est tout. “Je travaille pour des organisations multinationales, aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. Mais étant noir ou de couleur, je n’ai pas droit au terme d’‘expat’. Je suis un immigré hautement qualifié, comme ils disent pour être politiquement correct”, commente un Africain."
Il cite aussi dans son article un autre écrit par le Wall Street Journal qui en conclusion d'un sujet sur "Mais qui sont les expat ?" expliquait : Il est curieux de voir qu’à Hong Kong certaines personnes sont présentées comme des expats et pas d’autres. Quiconque a des racines occidentales est considéré comme un expatrié. […] Les domestiques philippins sont des travailleurs étrangers sous permis temporaire, même s’ils sont là depuis des décennies. Les Chinois du continent qui parlent mandarin sont rarement considérés comme des expats.”
Certains affirment qu'il s'agit là d'une vision simpliciste. D'autres expliquent que le terme « expatrié » désigne plutôt un statut et ses privilèges, « celui d'un salarié du secteur privé exerçant son activité professionnelle à l'étranger et qui peut ou non relever du droit du travail français. Il peut aussi bénéficier de divers avantages, notamment un salaire intéressant, surtout s'il travaille dans un pays où le niveau de vie est plus faible. Un statut bien plus rare dans les pays moins riches, pour des raisons économiques évidentes. » (cf. L'express du 15 mars 2015).
Enfin, inutile de jouer sur les nuances de sens. Cette question sémantique en apparence anodine reflète tout de même bien cet esprit du supériorité qui caractérise les Blancs occidentaux.
Bref, je suis donc une immigrée en Chine. Et j'ai bien de la chance que personne ne me regarde d'un air mauvais et ne vienne me crier qu'on ne veut pas de moi et que je ferais mieux de retourner dans mon pays. Les Français qui rejettent les migrants devraient penser à leurs amis, proches, collègues qui vivent à l'étranger. Si on leur laisse cette possibilité, pourquoi refusent-ils cette chance aux autres ?